Comment bien enregistrer des sons

I – Introduction

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Olympus LS-100 multitrack recorder

L’enregistrement sonore est l’opération qui consiste à transformer un signal acoustique (un son) en un signal électrique afin de pouvoir en garder une trace de façon durable sur un support en vue de pouvoir le rediffuser. Voici tout d’abord quelques généralités qu’il ne sera pas inutile de rappeler. L’enregistrement implique l’acquisition de matériels : microphones, perches, câbles, enregistreur, traitement sur ordinateur, carte audio … Nous savons tous que les coûts des matériels professionnels ne sont pas à la portée de toutes les bourses, mais il est aujourd’hui possible de se procurer des équipements d’excellente qualité. Le temps n’est pas si éloigné lorsqu’une carte son 44.100 KHz, 16 bit représentait le top des produits à la fin des années 90. Les entrées micro offraient un bruit de fond copieux et la qualité globale de l’époque était loin des caractéristiques offertes de nos jours. Il faut conserver une certaine logique, car un microphone d’entrée de gamme, souvent inadapté à l’usage que l’on souhaite en faire, ne fera pas bon ménage avec une carte audio professionnelle ou avec un enregistreur numérique haut de gamme ! Il faut donc aborder la question du choix des matériels en sachant parfaitement où nous souhaitons aller et s’assurer de la compatibilité des éléments constitutifs de la chaîne.

Vous devrez aussi vérifier l’adéquation de vos équipements avec un usage sur le terrain. Le volume occupé par un ou des microphones, des câbles peu discrets, la fragilité de certains matériels seront autant de contraintes en extérieur. Et puis, pour clore cette introduction, pensez aux diverses sources d’alimentation qui vous seront nécessaires dans des zones où les petits consommables ne seront pas facilement disponibles. Piles, batteries, blocs d’alimentation secteur … le moindre défaut sur ce point et vous pourrez dire adieu à votre enregistrement de l’année !

II – L’enregistreur

Les enregistreurs numériques sur disque dur ou carte Flash ont aujourd’hui totalement remplacé les enregistreurs analogiques de nos jeunes années. Nous laisserons de côté les matériels à bandes ou à cassettes envers lesquels nous conserverons une pensée émue. Toujours utiles en studio, ces modèles ont laissé la place aux enregistreur numériques légers.

Ces nouveaux enregistreurs ne sont pas toujours à la hauteur des éloges lus dans la presse ou les fiches techniques des constructeurs. Une fabrication parfois légère, un énorme défaut d’étanchéité à la poussière, des préamplis donnant un niveau de bruit très décevant, voici des points faibles qui peuvent rapidement faire regretter un achat … Il s’agit donc de bien vérifier les caractéristiques auprès des spécialistes et de ne pas hésiter à poser des questions aux utilisateurs en parcourant les forums spécialisés. Cela dit un préampli moyen associé à un excellent microphone peut convenir s’il s’agit d’enregistrer des signaux présentant un niveau élevé (interview, podcast).

Un préampli micro médiocre posera surtout des problèmes pour l’enregistrement de niveaux faibles. Même avec un excellent microphone, il faudra nécessairement pousser le préampli pour atteindre un niveau d’enregistrement acceptable. Cette manoeuvre se traduira en lecture (playback) par l’apparition d’un bruit de fond très élevé dans les ambiances calmes.

La parade technique se nomme « mixette », petit mélangeur intercalé entre les micros et l’enregistreur, permettant d’adapter le niveau de sortie de vos micros à l’entrée LIGNE de l’enregistreur. Plusieurs raccordements sont possibles :

– Micro raccordé à l’entrée MIC XLR de la mixette + XLR OUTPUT LIGNE de la mixette raccordée à l’entrée LIGNE XLR de l’enregistreur,

– Micro raccordé à l’entrée MIC XLR de la mixette + sortie jack 3.5 stéréo de la mixette (REC, LINE OUT) raccordée à l’entrée LIGNE jack 3.5 mm d’un petit enregistreur.

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Sound Devices Mix Pre

III – Directionnalité des microphones

On distingue 3 familles de microphones en fonction de la directionnalité :

III.1 – Omnidirectionnel

Le micro capte tous les sons ambiants quelle que soit sa position et dans une large périphérie. Cela signifie qu’il capte aussi les sons indésirables comme les bruits de moteurs ou les conversations. Ce type de micro n’est pas adapté à l’interview.

III.2 – Cardioïde

Le micro ne capte les sons que dans une seule direction mais avec un angle d’ouverture assez large.

III.3 – Hyper-cardioïde

Le micro ne capte les sons que dans une seule direction mais avec un angle d’ouverture très étroit.

Les deux derniers types de micro permettent de sélectionner la source sonore avant, tout en atténuant les sons provenant de l’arrière. On pourra les utiliser dans un milieu particulièrement bruyant. L’emploi d’un type hyper-cardioïde peut présenter un inconvénient sur certains enregistrements (interview par exemple) car une trop forte directionnalité se traduit par des baisses de niveaux et une réduction des fréquences aiguës lorsque l’interviewé se détourne de l’axe du micro. Pour ce type d’exercice, on pourra choisir un micro électrostatique cardioïde qui atténuera suffisamment les sons indésirables tout en permettant une certaine mobilité de la personne qui parle. Certains micros permettent plusieurs de ces choix de directionnalité. La sélection s’effectue par un bouton sélecteur placé sur le micro.

>>> en savoir plus : Le microphone de A à Z

IV- La connectique

Le budget « connectique » passe souvent au second plan pour des applications non-professionnelles. On pense pouvoir faire quelques économies sur des « bouts de fils » alors que la qualité des raccordements entre les appareils est essentielle. Des composants haut de gamme ne donneront que des résultats médiocres s’ils présentent des liaisons défectueuses.

Nous savons tous qu’il est facile d’acheter des cordons en grandes surfaces : il ne sont pas chers, prêts à l’emploi et à l’aide d’un ou deux adaptateurs supplémentaires on réalise une connexion à bon compte. Outre les mauvaises caractéristiques des conducteurs bon marché, ces câbles présentent des soudures qui finissent par céder. Surveiller les fils les plus fins : ils sont fragiles. Ne débranchez jamais un cordon en tirant sur le fil : retirez toujours soigneusement chaque prise en la saisissant fermement. Retenez que les économies réalisées se traduiront souvent par un affaiblissement des signaux électriques et un risque de voir apparaître des parasites très désagréables.

En règle générale vous aurez intérêt à choisir d’emblée des cordons de bonne qualité. Surveillez l’état des prises et des câbles. Si vous ne trouvez pas les cordons adaptés à vos besoins, n’hésitez pas à les faire confectionner par un technicien audio qualifié. Il sera à même de réaliser vos câbles sur mesures et dans les règles de l’art pour optimiser la transmission des signaux.

V – L’enregistrement

Il s’agit d’aborder dans ce paragraphe les questions relatives au lieu d’enregistrement, au positionnement des matériels et aux divers réglages qui doivent vous permettre d’enregistrer dans de bonnes conditions. Nous nous risquerons aussi à donner quelques conseils.

Le lieu d’enregistrement est d’abord fonction du son que l’on souhaite enregistrer et bien souvent nous n’aurons pas la liberté de choisir l’endroit. Certains sons n’existent que dans des lieux très précis et nulle part ailleurs. Ce lieu est finalement très important car il déterminera non seulement les conditions techniques de l’enregistrement (mono, stéréo, type de micro, montage du couple de micros), mais aussi le rendu final de la prise de son. Chaque espace possède en effet ses propres caractéristiques de propagation des sons et il faudra naturellement en tenir compte pour ne pas faire d’erreur (sons caverneux dans une petite pièce feutrée !).

V.1 – En intérieur

Dans le cas idéal d’un enregistrement de studio, l’enregistrement d’une voix ou d’un instrument peut se faire en chambre sourde qui présente un double avantage : isolation acoustique optimale vis à vis des perturbations extérieures, mais aussi réduction ou suppression des effets de réverbération. On trouvera quelques informations techniques sur ce sujet dans les pages sur l’isolation phonique et le son

Dès l’instant que la prise de son ne s’effectuera plus en chambre sourde ou en studio, nous serons confrontés à deux problèmes : les bruits extérieurs et la réverbération propre au lieu. En règle générale l’isolation des murs et des fenêtres ne protège pas totalement des bruits parasites extérieurs. Certaines constructions sont donc loin d’être parfaites et pour la séance d’enregistrement (voix, bruitages) il sera préférable de choisir un jour relativement calme (pas de travaux dans la rue, peu de circulation routière ou aérienne, toutes les portes et les fenêtres fermées).

suspension_micro1Les structures transmettent aussi des bruits parasites dits « solidiens » (coups dans les murs) et les ondes issues des sources sonores ne manqueront pas de subir de multiples réflexions sur des surfaces peu absorbantes. Plus les dimensions des pièces seront grandes, plus le temps de réverbération sera important et plus le champ réverbéré sera recouvert … Ce qui peut constituer un effet recherché ou tout autant nuire à l’intelligibilité des paroles. Dans les enregistrements en intérieur, on oublie souvent les bruits quotidiens devenus si familiers qu’ils échappent totalement à la vigilance du preneur de son. Bruits de meubles, de vaisselle, interrupteurs, moteurs électriques, la liste est longue. Il faut naturellement éviter ces bruits parasites qui ne pourront pas être éliminés et qui détérioreront la qualité finale de l’enregistrement.

On notera que les conversations à plusieurs personnes, dans une salle à manger, un restaurant ou un café, ne sont pas du meilleur effet et se traduisent souvent par une purée de sons inintelligibles et inexploitables. A moins que l’on recherche volontairement un effet de brouhaha et de paroles confuses …

V.2 – En extérieur

L’enregistrement en extérieur est plus délicat à réaliser. Si nous ne sommes pas confrontés aux effets de salle et aux réverbérations contre les surfaces, les bruits parasites de la rue et surtout le vent peuvent devenir nos pires ennemis.

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Rycote Windshield Kit 3

Le vent constitue un problème majeur car il perturbe très fortement les micros sensibles qui ne sont généralement pas protégés contre ce désagrément. En outre ce même vent rend un enregistrement totalement inexploitable en produisant des bourdonnements et des saturations que l’on ne pourra pas supprimer à l’édition. Nous avons alors deux possibilités , choisir des micros peu sensibles au vent et aux plosives ou utiliser des protections efficaces. On se munira de bonnettes en mousse, de bonnettes en fourrure synthétique aux poils plus ou moins denses et longs (chiens), de coques de protection et de suspensions adaptées … bref , il faudra que le micro, élément très sensible, puisse être suffisamment protégé du vent et des vibrations. On aura évidemment aussi intérêt à choisir des endroits bien abrités du vent. Dans une zone balayée par le vent, la prise de son pourra s’effectuer derrière la protection d’un muret ou d’une butte de terre !

VI – Positionnement du micro

Le micro sera toujours placé au plus près de la source sonore pour limiter la perception de sons périphériques parasites. Dans une pièce, on évitera le placement sur les axes de symétrie, c’est-à-dire au centre, dans les angles ou sur les diagonales. La localisation contre un mur est également à éviter en raison des risques de concentration d’ondes stationnaires, particulièrement des basses fréquences perturbant fortement les enregistrements.

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Audio Technica AT825

Pour l’enregistrement stéréo on fera des essais préalables en testant divers types de montages (distance entre les micro, type de montage, micro stéréo). A titre d’exemple, le positionnement du micro stéréo AT 825 peut donner des résultats très variables en fonction de son placement par rapport à la source sonore . Ceci se vérifie lors d’enregistrements de chorales ou d’orchestres. Suivant la position du micro formé de deux capsules à 90°, le champ sonore peut être perçu de façons très différentes. Pour un enregistrement de type « interview » il semble correct de respecter une distance d’une trentaine de centimètres entre le micro et le locuteur. On limitera ainsi les saturations sur les sons forts et les trop grands écarts de dynamique, tout autant que les effets des plosives, les sifflantes, le souffle ou les postillons

Pour un enregistrement effectué en milieu particulièrement bruyant, un micro cardioïde ou hypercardioïde sera le bienvenu pour limiter les sons indésirables. On pourra aussi orienter le micro de façon à limiter la capture de sons indésirables (arrière du micro).

VII – Fixation du micro et équipements annexes

antipopL’équipement de base sera constitué d’une perche télescopique légère en carbone (1,5~3 mètres) , d’une suspension isolant le micro des vibrations et des bruits de mains et enfin d’une protection efficace contre le vent. On prendra soin de bien fixer le micro sur la perche soit en utilisant le support plastique livré avec le micro ou mieux une suspension. Généralement pour des supports improvisés je sécurise la fixation au moyen d’un ruban isolant auto-soudable. L’ensemble est parfaitement fixé, ne vibre pas, et sécurise des micros dont la valeur mérite bien cette précaution. Pour l’intérieur, un pied avec perche réglable, un pied de table et un filtre anti-pops correctement fixé pour « casser » les plosives … Un truc vieux comme le monde pour fabriquer un anti-pop de fortune : un cintre métallique récupéré dans un pressing enfilé dans un bas bien tendu et le tour est joué.

VIII – Réglage du niveau d’enregistrement dans un éditeur audio

Un dossier est dédié au réglage du niveau d’enregistrement, vous pourrez la consulter utilement.

IX – L’art de bien enregistrer

Un bon enregistrement n’est pas le fruit du hasard. Quelle que soit la source à enregistrer il y a quelques règles à respecter pour ne pas avoir de surprises, ou du moins les limiter !

  • Les enregistreurs (hard ou soft) disposent presque tous de réglages pre-roll et post-roll. Un pre-roll de 2 secondes fera commencer l’enregistrement 2 secondes avant l’appui sur la touche record. Le post-roll permettra d’ajouter quelques secondes à la fin de l’enregistrement. Ce réglage est important car il permet de ne rien perdre du début et de la fin d’un son et surtout de ne pas avoir à constater, au moment de l’édition, que les sons sont tronqués !
  • vérifiez bien votre équipement avant le départ , car une fois arrivé sur place, sans piles ou batteries chargées, la promenade sera vite terminée !
  • Un autre point concerne également la durée de l’enregistrement. Avec les capacités dont disposent aujourd’hui les enregistreurs, il ne faut pas se priver d’enregistrer un peu plus que nécessaire. Toutes les prises, y compris celles que l’on a ratées, sont potentiellement utilisables. Il ne faut donc pas les supprimer à la hâte !
  • Comme cela a déjà été précisé au paragraphe VI, le micro doit être placé au plus près de la source. Il faut donc disposer d’accessoires tels que pieds, perches ou poignée pistolet qui permettront d’approcher les microphones de la source sonore.
  • Lorsqu’on rentre d’une journée d’enregistrement, disques durs et cartes mémoires bien remplis, la récupération des sons ne se fait pas forcément immédiatement. Le risque est évidemment de ne pas s’y retrouver lors de l’édition. On imagine par exemple un meeting aérien avec une quinzaine de vols de démonstration et des dizaines de fichiers enregistrés … Un crayon et un carnet permettront de prendre quelques notes après chaque enregistrement. Chacun notera les informations qui lui sembleront utiles : nom du fichier, objet, durée, date, heure, lieu, coordonnées GPS, matériels utilisés, particularités. On gagnera ainsi beaucoup de temps lors de la saisie des métadonnées.
  • Un conseil également sur le nombre de prises. Comme il est dit plus haut, il ne faut pas hésiter à multiplier les prises et à en modifier certains paramètres (durée, fréquence, position des micros). Si on ne fait qu’une seule prise, on risquera peut-être de se retrouver avec des sons non souhaités comme celui d’une moto ou d’un train qui passe dans le lointain !
  • Au cours d’un enregistrement, le monitoring au casque est recommandé. On choisira de préférence un casque fermé qui isole bien des bruits extérieurs et permet un contrôle précis de l’enregistrement de la source. Souvenez vous qu’un niveau se contrôle (souvent) avec les yeux, mais que ce sont nos oreilles qui contrôlent l’enregistrement !
  • Les microphones et préamplis sont généralement très sensibles, il faut donc faire attention aux gestes brusques et aux bruits de vêtements. Les souffles et la respiration peuvent faire rater une prise. C’est d’autant plus désagréable lorsque l’on se trouve à l’affût d’un son qui ne se reproduira pas à la demande.

Page publiée le : 17/07/2014
Dernière modification : 26/05/2020
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