La restauration audio
La restauration audio consiste à redonner un éclat d’origine à des enregistrements de mauvaise qualité. Les spécialistes en restauration audio exercent un métier qui nécessite une bonne formation technique et musicale
I – FAITES LE MENAGE
Qui n’a pas une série de vinyles ou de cassettes audio oubliés depuis des années dans un placard ? Oui mais voilà, les documents sonores anciens présentent souvent des défauts qui apparaissent lors de la lecture. Cela se traduit généralement par des « bruits désagréables » qui peuvent provenir du vieillissement du support, de mauvaises conditions de capture du son (saturation, vent) ou de la technologie ancienne des systèmes d’enregistrement et de reproduction du son.
II – LA RESTAURATION D’UN ENREGISTREMENT
La restauration du son consiste à appliquer une suite de filtres et de traitements après sa numérisation . Pour cela, le son d’origine (vinyle, cassette audio, bande magnétique) doit être enregistré sur le disque dur au moyen d’un éditeur audio. Vous trouverez toutes les informations utiles pour enregistrer correctement le son de vos vinyles dans le dossier dbFS.
Le fichier numérisé apparaîtra dans la fenêtre d’édition de votre éditeur et après avoir pris soin de réaliser une copie de sauvegarde, vous pourrez alors commencer les traitements numériques.
Ci-dessous l’exemple de la représentation temporelle d’un son dans Sound Forge.
III – LES OUTILS DE RESTAURATION
III.1 – Quelques mots sur le bruit
Le bruit est finalement représenté par tous les sons indésirables que vous ne souhaitez pas entendre : bourdonnements, ronflettes d’alimentation, souffle ou sifflements. Ces bruits ont des origines très variables : qualité des circuits électroniques, vieillissement des composants, mauvais filtrage dans les circuits d’alimentation, souffle dû au bruit de surface des bandes magnétiques. La liste est encore longue ! Nous disposons heureusement d’un ensemble d’outils pour réduire sinon supprimer ces effets indésirables. Dans les lignes qui suivent, on distinguera les bruits permanents des bruits occasionnels.
III.2 – Le denoiser : réducteur de bruit
Le « denoiser » est un réducteur de bruit qui distingue le signal utile du bruit de fond (profil de bruit) qu’il va soustraire de l’enregistrement. Très courant dans les éditeurs audio, ce filtre agit de manière très efficace sur les bruits permanents comme le souffle d’une bande magnétique ou le bruit de surface d’un support. Ce bruit est généralement constitué par une multitude de fréquences aléatoires.
Le paramétrage du denoiser étant relativement complexe, on veillera à l’appliquer très prudemment. Un « nettoyage intensif » peut nuire à la qualité de l’enregistrement en éliminant des fréquences du spectre audio et en faisant apparaître des artefacts numériques dénaturant le son original.
Si on ne maîtrise pas parfaitement son emploi, il vaut mieux évitez de l’utiliser tout particulièrement sur des fichiers issus de vinyles. Ce filtre donne néanmoins de bons résultats pour supprimer le bruit de fond présent sur des cassettes audio. Au fil des ans, les algorithmes ont beaucoup évolué. Les denoisers tels que Cedar ou Izotope RX donnent aujourd’hui des résultats très satisfaisants.
Ci-dessus le denoiser du bundle restauration de Sound Forge : le profil de bruit a été défini, il ne reste plus qu’à le soustraire du fichier audio
markers 1-2
Définissent la zone de silence au début ou à la fin du fichier audio (absence de paroles ou de musique) permettant de relever l’empreinte du bruit.
markers 2-3
Le fichier audio comportant le signal utile et le bruit
markers 3-4
Le fichier audio après traitement. Le profil de bruit a été soustrait du fichier original par le denoiser.
III.3 – Le declicker : élimination des rayures
Il s’agit de bruits occasionnels, provoqués principalement par des accidents de surface du vinyle (rayures, défaut du matériau constituant le disque, cassures, trous) ou par la présence de poussières. Ces défauts produisent des « clicks » qui se traduisent par des impulsions (brusque montée ou descente du signal) nettement visibles lorsque l’on « zoome » l’enregistrement numérique. Dans un enregistrement stéréo, un « click » peut affecter la voie droite ou la voie gauche.
Pour leur élimination, on procédera de la manière suivante :
Les bruits les plus importants seront éliminés manuellement à l’aide des options « sélectionner » et « supprimer » de l’éditeur audio. On pourra aussi modifier directement la courbe représentant les échantillons numériques. Cela s’effectue aisément avec un logiciel comme Cool Edit.
Les bruits de moindre niveau seront supprimés automatiquement au moyen d’un utilitaire spécial nommé « declicker ». La pratique montre que l’élimination automatique des « clicks » n’est jamais parfaite et nécessite souvent des interventions manuelles complémentaires.
Cet enregistrement comporte de nombreux craquements ainsi que 2 clics importants au début et à la fin. Les craquements seront atténués ou supprimés au moyen d’un filtre decrackler. Les clics seront supprimés manuellement ou automatiquement par le déclicker.
III.4 – Les filtres
Ils permettent d’atténuer voire de supprimer des bruits permanents dans l’enregistrement. Ils sont généralement très sélectifs. Naturellement, on procédera à des tests en agissant sur le paramétrage des filtres employés; on pourra aussi les appliquer en cascade pour agir sur des fréquences harmoniques.
Filtre passe-haut
Principe : Ce filtre ne laisse passer que les fréquences supérieures à la fréquence de coupure. On peut l’appliquer pour supprimer des bruits sourds, des « pops » de micro mais aussi des très basses fréquences inaudibles comprises entre 5 et 20 Hz qui ont tendance à moduler le signal utile et à entraîner des saturations néfastes.
Filtre passe-bas
Principe : Ce filtre ne laisse passer que les fréquences inférieures à la fréquence de coupure. On l’utilise surtout comme « de-hisser » pour éliminer des sifflements d’arrière plan et en particulier ceux créés par la prononciation des « s ». Il peut aussi éliminer des distorsions.
Filtre passe-bande
Principe : Ce filtre combine les effets d’un filtre passe-haut et d’un filtre passe-bas. Il permet de sélectionner très précisément une bande de fréquences. On l’utilise pour améliorer l’intelligibilité d’une conversation, mais aussi pour créer un effet de nasalisation donnant l’impression d’une communication téléphonique ou radiotéléphonique. Ce type de filtre donne également de bons résultats sur des enregistrements acoustiques 78t pour éliminer des fréquences inutiles (ronflements, bruits mécaniques F < 150 Hz ou bruit de surface F > 4 KHz).
Filtre coupe-bande – notch
Principe : Ce filtre permet d’atténuer une bande de fréquences plus ou moins large en créant un « creux » dans la bande passante . Il est bien adapté pour supprimer les ronflements générés par un filtrage défectueux des circuits d’alimentation.
Remarque sur l’emploi des filtres : Pour des enregistrements effectués en Europe, on combinera deux filtres notch 50 Hz et 100 Hz (suppression des ronflements d’alimentation) et on les associera à un filtre passe-haut 20 Hz (suppression des fréquences inaudibles). Pour des enregistrements US, il faudra remplacer les valeurs 50 Hz et 100 Hz par 60 Hz et 120 Hz Consultez aussi la page des effets (paragraphe consacré à la porte de bruit).
A gauche, une voix parasitée par une ronflette 50-100 Hz. A droite, il s’agit du même signal après filtrage. Le ronflement a été supprimé au moyen d’un double filtre notch 50-100 Hz (atténuation de -25 dB) associé à un filtre passe-haut 20 Hz. Le son, ainsi aéré, gagne beaucoup de clarté. Essayez sur un extrait musical affecté par une ronflette d’alimentation !IV – L’EMPLOI D’EFFETS
La restauration d’un fichier audio doit permettre de retrouver les caractéristiques du son original. Tout en cherchant à améliorer l’enregistrement, il faut absolument éviter de le modifier profondément. Il ne s’agit pas de créer les effets spéciaux d’un jeu vidéo ! Si vous souhaitez vous rapprocher le plus fidèlement possible d’une oeuvre originale, évitez l’emploi d’effets qui peuvent dénaturer le son des instruments ou les voix. Le débutant aura toujours tendance à vouloir en faire un peu trop par manque d’expérience ou parce que son oreille est insuffisamment exercée. Une suggestion : n’appliquez que les traitements nécessaires et pas plus.
IV.1 – l’égalisation
L’égaliseur agit sur l’intensité du signal, dans certaines bandes de fréquences, pour obtenir la réponse en fréquence désirée. Ces corrections se pratiquent suivant le genre musical, les goûts personnels et les tendances. En général une correction de +3 à +6 dB autour de 5 KHz suffit. Mais il s’agit là d’un avis personnel et les expérimentations ne sont pas interdites s’il s’agit de masquer certains défauts. Ainsi, on pourra définir différents types de corrections en fonction des caractéristiques sonores des enregistrements.
Ces règles ne sont que des suggestions …
Modération, contrôle auditif systématique du résultat, expérimentations et patience !
IV.2 – Modération et contrôle auditif
Tous les paramètres des utilitaires doivent d’abord être réglés en commençant par des petites valeurs. Il est en effet préférable d’appliquer un traitement « léger » sur plusieurs passes plutôt que d’employer des valeurs élevées en une seule fois. Il faut être prudent car un travail imparfait se fait très vite entendre. Il est donc indispensable d’écouter attentivement au casque le résultat obtenu après chaque traitement (son dénaturé, amputations partielles du fichier). Rappelez-vous que le signal restauré doit se rapprocher le plus possible du signal original !
IV.3 – Expérimentation
Si un résultat ne donne pas satisfaction, on peut toujours revenir en arrière par la fonction ANNULER (UNDO). On corrige alors les réglages et on recommence l’opération. En cas de doute, on laissera l’enregistrement en l’état surtout si le son est issu de vinyles. Evitez donc la précipitation toujours source d’erreurs et de mauvais résultats. Procédez avec soin, car la suppression de signaux « non désirés » est tout un art.
Remarque sur les réglages des outils de restauration
et des effets…
Afin de pouvoir démarrer rapidement sans être obligé de tâtonner dans le réglage des outils et des effets, les logiciels sont livrés avec des réglages préenregistrés (presets). Ils constituent une bonne base de départ, mais rien ne vous empêche de les modifier ou d’interroger les autres utilisateurs. Vous pourrez ainsi sauvegarder une suite de « presets » et les rappeler à tout moment.
Exemples : declicker1 vinyle assez bon état, declicker2 vinyle mauvais état, declicker3 vinyle très mauvais état, denoiser 1,2,3 suivant des profils de bruit. On fera de même pour sauvegarder les réglages d’effets que l’on aura créés (réverb, écho…).
V – LA RESTAURATION D’UN FICHIER AUDIO
Il s’agit en fait de tous les fichiers récupérés ici et là. Les sons qui les constituent peuvent avoir de multiples origines : cassettes audio, cassettes vidéo, bandes magnétiques, enregistrements radio ou TV… Ces sons numérisés sont généralement de courte durée (sons système, bruitages…). Pour les échantillons trouvés sur Internet, la faiblesse des débits actuels impose une dégradation volontaire leur qualité afin de ne transmettre qu’un minimum de données. Ces échantillons présentent souvent un fort bruit de fond et un spectre de fréquences audio très réduit. Si le niveau de l’enregistrement initial n’a pas été correctement réglé, on aura alors un mauvais rapport signal utile/bruit ou des saturations. On peut toujours tenter quelques améliorations, mais le résultat final ne pourra être parfait si le son d’origine est de mauvaise qualité. Il y aura bien quelques traitements à appliquer pour redonner un peu de clarté au contenu ou retirer un peu de bruit, mais il ne faut pas s’attendre à des miracles.
Voici une séquence de 15 traitements donnés à titre d’exemple, tous ne sont pas forcément nécessaires
1 – Toujours faire une copie de sauvegarde du fichier après numérisation (24bit/96KHz ou plus si possible)
2 – Suppression du DC offset (Direct Curent offset). Lorsqu’il est présent, le signal se trouve légèrement déplacé (offset) par rapport à l’axe des abscisses. Une correction doit être effectuée au moyen d’une commande adaptée (Remove DC Offset). Les éditeurs audio possèdent généralement une fonction de détection et de correction du DC offset.
3 – Conversion du fichier wav en 44.100 KHz – 16 bits – mono ou stéréo.
4 – Suppression des bruits permanents très basses fréquences par l’application d’un filtre passe-haut 20 Hz à pente raide. On peut aussi employer un filtre combiné tel qu’ il est décrit au paragraphe 3.4 – Remarque sur l’emploi des filtres.
5 – Suppression manuelle des bruits occasionnels importants. Il peut s’agir par exemple d’un mauvais raccord entre 2 sons différents ou de tout autre accident (on « zoome » d’abord le défaut, on sélectionne la zone à éliminer puis on la supprime). On peut aussi corriger manuellement le défaut en modifiant les points de la courbe et ainsi rétablir sa continuité.
6 – Suppression des bruits permanents hautes fréquences (bruit de fond, souffle) au moyen d’un « denoiser ». Un filtre « de-hisser » (ou un filtre passe-bas) sera appliqué pour éliminer les sifflements.
7 – Normalisation.
8 – Correction du gain.
9 – Pour un enregistrement stéréo, équilibrage des voies gauche et droite.
10 – Egalisation.
11 – Suppression des portions inutiles au début et à la fin de chaque fichier.
12 – Application d’un FADE-IN sur les premières millisecondes de début du fichier pour supprimer les montées rapides des signaux qui génèrent des « tocs » et compléter par un FADE-OUT sur la fin du fichier. Pour créer des montées et descentes progressives du volume, on peut jouer sur la valeur de l’atténuation et l’appliquer à une sélection plus ou moins longue.
13 – Si l’échantillon est destiné à une application musicale (drumloop, synthé, bass, voix), il faudra vérifier qu’il boucle parfaitement.
14 – Correction des faiblesses d’un son en agissant sur la dynamique ou en appliquant un léger effet de réverbération.
15 – Application d’un limiter.
VI – LA RESTAURATION DES DISQUES VINYLES
Il s’agit là d’un tout autre travail demandant du temps et de la méthode. Il va falloir traiter un fichier global contenant l’ensemble des plages musicales d’une face de disque. La question est de savoir quels traitements appliquer et à quel moment. Le but est évidemment de se rapprocher le plus possible des qualités d’origine de notre enregistrement, sans le dénaturer. Voici les différentes étapes de la restauration d’un disque vinyle 45 ou 33 tours :
1 – Enregistrer la totalité des plages musicales du disque dans un fichier wav unique. Vous disposerez alors de 2 correspondant aux 2 faces.
2 – Pour chaque face, procéder comme suit : Suppression du DC offset (Direct Curent offset). Lorsqu’il est présent, le signal se trouve légèrement déplacé (offset) par rapport à l’axe des abscisses. Une correction doit être effectuée au moyen d’une commande adaptée (Remove DC Offset). Les éditeurs audio possèdent généralement une fonction de détection et de correction du DC offset.
3 – Suppression des bruits très basses fréquences par l’application d’un filtre passe-haut 20 Hz à pente raide. On peut aussi employer un filtre combiné tel qu’ il est décrit au paragraphe 3.4
4 – Découpage du fichier global en fichiers individuels. Le nom de sauvegarde de chaque fichier sera constitué par le titre du morceau. Chaque plage sera traitée séparément.
REMARQUES
5 – Les caractéristiques sonores varient suivant les morceaux; il ne serait donc pas très logique d’apporter des corrections sur le fichier global
6 – L’analyse automatique du « declicker » est plus performante sur des fichiers individualisés.
7 – Suppression manuelle des « clicks » et des accidents occasionnels les plus importants (on « zoome » d’abord le défaut, on sélectionne la zone à éliminer puis on la supprime). On vérifie alors la continuité des niveaux à l’endroit de la coupure. Si les niveaux ne sont pas correctement raccordés, on peut rectifier manuellement les points de la courbe ou cocher préalablement l’option « zero crossing » avant de sélectionner/couper (suivant les possibilités du logiciel audio).
8 – Suppression automatique des petits « clicks » et craquements de diverses origines par utilisation d’un « declicker ». Les craquements pourront être également traités par un outil spécifique appelé « decrackler ».
9 – L’emploi d’un « denoiser » est peu recommandé pour le traitement de sons issus de vinyles, sauf si l’on maîtrise parfaitement ses réglages.
10 – Suppression des portions inutiles au début et à la fin de chaque fichier.
11 – Normalisation.
12 – Correction du gain.
13 – Equilibrage des voies gauche et droite.
14 – Egalisation.
15 – Application d’un FADE-IN et FADE-OUT.
16 – Insertion d’un silence de 2 secondes au début de chaque morceau.
17 – Correction des faiblesses d’un son en agissant sur la dynamique.
18 – Application d’un limiter.
Remarques importantes
Voici donc les différentes étapes de la restauration d’un disque vinyle 45 ou 33 tours. N’appliquez jamais le « denoiser » avant le « declicker » car cela aurait pour effet d’atténuer la pente des clicks et de rendre leur détection plus difficile. La restauration audio ne doit pas générer de distorsions, d’aliasing et d’artéfacts. C’est pour cela que la chaîne des traitements doit s’effectuer dans un ordre correct. Les étapes décrites ci-dessus sont volontairement exhaustives car elles s’appliquent à un cas extrême. Rappelons que les traitements doivent être adaptés en fonction des caractéristiques du signal à restaurer, tout en veillant à respecter la nature du son original. Dans certaines situations, l’application d’un traitement inadapté ou inutile pourrait avoir un effet désastreux !
VII – CONCLUSION
L’évolution des supports audio domestiques a apporté un réel confort d’écoute en réduisant considérablement les défauts de toute nature. Cette amélioration de la qualité rend toutes ces imperfections difficilement supportables aujourd’hui, alors qu’elles sont passées inaperçues durant des années !
L’emploi d’outils de restauration sonore requiert des compétences techniques mais aussi un sens artistique bien développé et une oreille experte. Le résultat final ne sera jamais qu’un compromis pour trouver le bon équilibre entre le bénéfice et la dégradation du signal audio. Il ne doit pas perdre toute son « ‘âme ».
L’essentiel est de pouvoir sauver des documents sonores en les archivant sur des supports moins fragiles. Voilà, vos fichiers sont désormais nettoyés; si vous souhaitez les graver sur CD, il vous reste encore quelques opérations à effectuer. Celles-ci sont décrites dans le dossier transfert de vinyles sur support numérique
Page publiée le : 17/07/2014
Dernière modification : 09/02/2023
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