Comment bien utiliser un égaliseur
Un égaliseur, correcteur ou equalizer en anglais, est un outil utilisé aussi bien pour l’enregistrement sonore, le mixage, ou la sonorisation, pour augmenter ou diminuer le volume sonore de certaines bandes de fréquences d’un son.
I – L’ANALYSE HARMONIQUE D’UN SON
Dans la page son, nous avons vu que le spectre des fréquences audibles – c’est-à-dire la plage des fréquences perçues par l’oreille humaine – s’étendait de 16 à 20.000 Hz. Chaque son possède son propre spectre de fréquences qui correspondent à la « signature acoustique ». Les 3 exemples d’empreintes vocales ci-dessous vous permettront de vous exercer à l’analyse des fréquences.
Cette analyse harmonique est effectuée à partir d’un fichier wav. On observe 4 bandes de fréquences (aux alentours de 330, 660, 990 et 1600 Hz). On remarque que la bande 660 Hz domine par sa plus forte énergie : elle définit la tonalité dominante. Les autres bandes sont des tonalités secondaires. Les voix ne sont pas les seules à présenter des spectres avec des tonalités dominantes particulières; c’est aussi le cas des instruments de musique. C’est ce qui les différencie des bruits qui présentent en outre des tonalités secondaires qui se superposent sans aucune relation entre elles.
Enregistrement d’une voix de femme caractérisée par un spectre bas-médium dominant. Peu de fréquences au début du bas-médium et dans le registre des graves.
Enregistrement d’une voix de femme, voix off à la télévision. Le registre est plus étendu dans les graves et le bas-médium.
II – RECONNAITRE LES FREQUENCES
L’égaliseur permet d’intervenir sur spectre de fréquences d’un son en augmentant (boost) ou en atténuant (cut) certaines bandes. On peut ainsi supprimer des fréquences inutiles ou désagréables, renforcer une voix, corriger des instruments afin qu’ils ne se superposent pas trop lorsqu’ils jouent simultanément ou bien créer un style musical. De telles manipulations doivent être pratiquées avec discernement. Avant de se lancer dans les corrections de fréquences, il faut apprendre à reconnaître les fréquences les plus importantes d’un son. On évitera ainsi les grosses erreurs qui pourraient tuer des plages cruciales du spectre…Un peu trop de basses, ou une exagération des aigus et le morceau se transformera très rapidement en un amalgame de fréquences qui ressemblera plus à du bruit qu’à de la musique ! Dans les sons isolés l’identification des différentes bandes de fréquences est relativement facile. Privilégiez donc des fichiers audio de voix ou d’instruments plutôt que des morceaux composés.
III – LA CONFIGURATION DE L’EGALISEUR
La configuration correcte d’un égaliseur n’est pas évidente car il n’y a pas de recette miracle. Les réglages ne sont que des compromis pour qu’un ensemble conserve son équilibre tout en réalisant des corrections sur certains instruments. Les goûts et les sensibilités musicales influencent aussi les réglages. Dans ce domaine il est donc difficile de donner des règles absolues, mais on peut réfléchir sur les points suivant à éviter …
Il est inutile de couper des plages entières du spectre. Faire attention aux fortes atténuations dans le médium. Vous risquez d’obtenir un ensemble confus. Effectuez de préférence des corrections sur un spectre très étroit ou des fréquences précises.
IV – QUEL GAIN OU QUELLE ATTENUATION ?
Dans une compo la plupart des corrections correspondent à des atténuations qui permettent de donner une place à chaque instrument. Dans certains cas, un gain positif est appliqué pour augmenter la présence d’une voix ou pour donner de l’air à un ensemble. Les corrections se situent généralement entre -6 dB et +6 dB, mais on peut aussi se réserver un espace de créativité en s’écartant de ces valeurs.
V – LES BONNES QUESTIONS
Quelles sont les bandes de fréquences importantes et celles qui le sont moins ?
Quelles sont les bandes de fréquences partagées entre instruments ?
Comment les répartir ?
Quel est le style musical ?
Quelles sont les particularités de ce style en terme de spectre de fréquences ?
Ai-je droit à une part de créativité ?
A MEDITER
Un son isolé peut donner un super résultat lorsqu’il est associé à d’autres sons
Un son isolé peut donner le pire résultat lorsqu’il est associé à d’autres sons
VI – A TRAVERS UN PRISME DEFORMANT
La chaîne de traitement et de reproduction du son apporte toujours une dose de coloration (carte son, ampli, environnement acoustique, enceintes HIFI, monitoring, casques). Les courbes de réponse ne sont jamais parfaites. Les chaînes HIFI s’adaptent aussi aux rythmes actuels. Phénomène de mode oblige. En reproduisant très généreusement les fréquences graves, on fausse totalement la reproduction sonore d’un mix. Un son coloré est un son déformé.
VII – CORRECTIONS DANS LES LOGICIELS
Les éditeurs audio, les logiciels de restauration et plus généralement les logiciels destinés à la création musicale possèdent pratiquement tous des outils qui permettent l’analyse et la correction du spectre des fréquences. En voici quelques exemples …
VII.1 – Egaliseur graphique
Il comporte un nombre variable de curseurs qui agissent chacun sur une bande de fréquences définie. La fréquence centrale de chaque bande est ici indiquée au-dessus de chaque curseur. Plus le nombre de bandes est important, plus les corrections sont fines car la largeur des bandes est plus étroite. Les curseurs de réglage se déplacent sur des échelles graduées en dB :
- curseur vers le haut = boost = gain = + n dB
- curseur vers le bas = cut = atténuation = – n dB.
- Dans certains logiciels, les correcteurs Grave-Médium-Aigu peuvent se présenter sous forme de potentiomètres rotatifs.
VII.2 – L’égaliseur paramétrique
Il s’agit en fait de plusieurs filtres (passe-haut, passe-bas, passe-bande ou notch) dont l’utilisation a précédemment été évoquée dans la page restauration audio.
VII.3 – L’égaliseur paragraphique
Le spectre original est représenté par un graphique dont on peut corriger l’aspect en faisant varier les paramètres de plusieurs filtres. Les corrections sont encore plus évidentes.
VIII – CORRECTIONS SUR CONSOLE
De gros progrès ont été faits depuis l’apparition des consoles de mixage. Aujourd’hui l’offre est très diversifiée et répond pratiquement à tous les besoins du simple mixage de deux sources analogiques jusqu’aux consoles numériques professionnelles. La plupart des modèles destinés aux amateurs comportent généralement trois correcteurs « Grave-Médium-Aigu ». Malheureusement, les potentiomètres qui leur sont associés ne sont pas toujours de grande qualité : trop petits, étalonnage fantaisiste, sérigraphie illisible. Ceux qui souhaiteraient effectuer des corrections précises ne vont pas être deçus !
Les consoles professionnelles sont évidemment mieux dotées et fort heureusement, car nous ne sommes pas dans le même registre de prix. Elles disposent de correcteurs spécifiques pour le haut et bas médium ce qui facilite les corrections d’une ligne de chant ou des voix.
IX – AEREZ VOTRE MIX
Inutile de vous dire que les informations qui suivent sont tout à fait subjectives et découlent simplement d’expériences. D’ailleurs, qui détient la vérité dans ce domaine si complexe ? Les « trucs » des uns ne sont pas forcément l’unique et bonne recette pour les autres. La composition d’un morceau est une chose, mais les soucis arrivent dès que l’on aborde la retouche de fréquences. Combien de fois a-t-on lu dans les forums : « mon mix est écrasé, que faire ? », « ma ligne mélodique est bonne mais mes instruments ne ressortent pas comme je le souhaiterais, que faire ? ». C’est la faute au recouvrement !
Dans le domaine professionnel, le challenge consiste à produire un son toujours plus fort, en faisant en sorte qu’il reste précis, que chaque instrument soit à sa place et parfaitement détaillé et cela, sans que l’ensemble du morceau en soit surchargé. Alors quel est donc le truc ? Nous avons déjà vu qu’un son était défini par une fréquence fondamentale associée à un ensemble de fréquences accessoires appelées fréquences harmoniques. Il arrive que les spectres de fréquences se recouvrent.
AVANT …
Dans l’exemple ci-dessus deux sons « se marchent sur les pieds » dans la plage 50/80 Hz. Il s’agit d’un phénomène de recouvrement spectral matérialisé ici par la zone en violet. Pour que le SON 2 n’écrase plus le SON 1, il suffit de lui appliquer un filtre passe-haut 80 Hz.
APRES …
On comprend toute l’importance des filtres pour supprimer l’impression de « flou sonore ». Comme le montre ce second schéma, la zone de recouvrement étant supprimée les sons apparaissent beaucoup plus nets.
X – DANS LE JARGON DE L’INGE SON
Un son est « chaud » lorsque son spectre contient suffisamment de fréquences basses et basses medium. On le dit aussi chaleureux, comme peut l’être le son d’une voix, si agréable à l’oreille, aux alentours de 1 KHz.
Un son est « froid » lorsqu’il présente des aigus bien nets mais peu de basses medium. C’est souvent dans le registre bas et médium qu’il manque quelque chose pour les inconditionnels du son analogique. On entend souvent dire que le son numérique est plus froid que le son analogique. Cela s’explique de la manière suivante : dans le son numérique les fréquences basses sont plus en retrait alors que les fréquences aigües sont plus percutantes voir perçantes.
Un son est « sombre » lorsqu’il est essentiellement composé de basses et dénué de fréquences hautes.
Un son est « brillant » ou « clair » lorsque les fréquences hautes présentent une énergie élevée. Contrairement au son froid, cela ne signifie pas qu’un tel son soit dénué de basses et mediums.
On comprend maintenant pourquoi l’égalisation est un art à part entière ! Il s’agit d’équilibrer le mix afin que chaque instrument trouve sa juste place dans le spectre sonore. Pas évident car il faut s’habituer aux instruments, connaître leurs spectres et disposer de bonnes références. Une égalisation digne de ce nom nécessite du bon matériel (minimum 15 bandes le top 30 bandes).
Dans les studios professionnels on voit systématiquement des colonnes de moniteurs dont les marques et la qualité sont très variables. Pour qu’un MIX « sonne bien » il faut se mettre à la place des auditeurs. Une bonne méthode consiste à tester des réglages sur différents systèmes. Des HP neutres, des HP produisant un son « froid » ou chaud », des caissons de basses, des petits systèmes 20. des casques, des écouteurs. Au final on recherchera le meilleur compromis parmi les différents systèmes testés.
XI – LES REGISTRES SONORES
Les corrections indiquées dans ces bandes de fréquences sont plutôt arbitraires. C’est finalement votre oreille, aidée de votre expérience, qui aura le dernier mot et décidera des corrections à apporter. En tout cas, ne vous laissez pas influencer par le son qui en « met plein les oreilles » lorsqu’il est joué en solo. Dans une composition complexe, vous aurez toutes les chances de tomber sur un recouvrement spectral et là votre superbe son aura bien du mal à passer. Idem pour un son « raplaplat » ou un peu « mou ». Il passera certainement beaucoup mieux au milieu d’autres instruments qui le mettront en valeur. Le mixage et l’égalisation sont donc des opérations délicates. Il n’est pas question d’ajouter simplement des sons pour que le mix prenne de la consistance, mais de positionner chaque instrument dans un espace sonore qui doit rester cohérent, harmonieux, bien équilibré.
16-60 Hz
Nous sommes dans le domaine de l’extrême grave.
Ces fréquences apparaissent dans la grosse caisse ou la basse. Elles sont puissantes et profondes et supposent que les HP puissent les reproduire (subwoofer ou enceintes de monitoring adaptées).
Ce registre est parfaitement exploité dans le son-cinéma, en particulier pour la reproduction des Sfx (explosions, bruits).
Dans le domaine musical, un « boost » exagéré de ces fréquences entrainera un manque de clarté.
Pour les instruments qui ont tendance « à déborder », on peut appliquer un filtre passe-haut 60 ou 80 Hz.
60-200 Hz
C’est le domaine de la grosse caisse, de la basse ou de la timbale. Si le mix manque un peu de consistance, on peut « booster » cette plage car ce registre grave donne de la chaleur et de l’énergie à la rythmique. On notera que certains instruments peuvent gagner en clarté et légèreté en la supprimant. Mais une fois encore attention aux excès !
200-500 Hz
Début du bas-médium. Les voix et les guitares apparaissent. Couper si la ligne principale de chant est un peu « noyée ».
500-1500 Hz
Registre du bas-médium. Domaine des voix mais aussi des guitares et de la caisse claire. C’est dans le bas-médium qu’apparaissent les premières harmoniques des instruments. Un « boost » exagéré augmentera l’énergie des harmoniques par rapport à celle de la fondamentale en donnant un son nasillard.
1500-4000 Hz
Registre du haut-médium. On y trouve les harmoniques de rang élevé. C’est aussi là que la voix s’exprime le mieux donc corriger ici pour en améliorer son intelligibilité.
4000-10000 Hz
Domaine de l’aigu. Lieu privilégié des cymbales ou du triangle. Une correction de+ 3 à +6db autour de 5000 Hz augmente la clarté (ou la définition du son) et la présence d’une voix ou d’un instrument
10000-20000 Hz
Dernière plage audible de l’aigu qui donne au son de la brillance et de l’air. Une correction apportera un effet intéressant mais attention aux enregistrements qui contiennent du souffle ou du bruit divers car tous ces défauts profiteront aussi du « boost » .
Couper sur les instruments qui ne doivent pas se situer dans ce registre ou dont ont souhaite atténuer la brillance.
IX – QUELQUES CORRECTIONS SUR LES INSTRUMENTS
A force d’expérimenter des réglages et de tester des combinaisons vues ici et là, on finit par se faire sa propre idée sur l’égalisation. Mais comme il faut bien démarrer sur une base, voici quelques chiffres qui ne doivent pas nécessairement être respectés à la lettre. Chacun les adaptera à ses goûts, au son recherché, à son oreille …
Basse
passe-bas à 8 kHz
grave +2 à +6db à 100 Hz
médium -3db à 800 Hz
médium +2 à +6db à 2 kHz
aigu -6 à -10db à 10 kHz
Caisse claire
spectre : 60 Hz à 9 Khz
harmonique : 18 KHz
grave +2 à +5db à 200 Hz
médium +2 à +6db à 1 kHz
médium +2 à +6db à 3 kHz
aigu +2db à 10 kHz
Claviers
grave +3db à 80 Hz
médium -3db à 350 Hz
médium -2db à 2 kHz
aigu +2 à +6db à 12 kHz
Cuivres
grave +3db à 80 Hz
médium -3db à 350 Hz
médium -2db à 2 kHz
aigu +2 à +6db à 12 kHz
Cymbales
spectre : 200 Hz à 10 Khz
harmonique : 20 KHz
grave +10db à 250 Hz
médium -6db à 800 Hz
médium -3db à 2kHz
aigu +2 à +6db à 8 kHz
Grosse caisse
spectre : 30 Hz à 200 Hz
harmonique : 8 KHz
grave +2 à +6db à 80 Hz
grave -2 à -6db à 150 Hz
médium -4 à -6db – 350/650 Hz
médium +6 à +10db à 3 kHz
Guitare électrique
grave +6db à 250 Hz
médium -4 à -6db à 800 Hz
aigu +2 à +6db à 4 kHz
Guitare électrique – son saturé
grave +10db à 200Hz
médium -6db à 800 Hz
aigu +6db à 4 kHz
Guitare acoustique
grave +4 à +6db à 160 Hz
médium +4db à 500 Hz
médium -2db à 1,5 kHz
aigu +2 à +6db à 7 kHz
Percussions
spectre : 60 Hz à 1.5 KHz
Piano
spectre : 27.5 Hz à 300 Hz harmonique : 2.5 KHz
Toms
spectre : 80 Hz à 4.1 Khz – harmonique : 8 Khz
grave +2 à +6db à 180 Hz
médium -4 à -10db à 650 Hz
médium +4 à +10db à 2,5 kHz
aigu +2db à 5 kHz
Voix
spectre : 120 Hz à 2 KHz – harmonique : 8 Khz
passe-haut à 100 Hz
grave +3db à 200 Hz
médium -2 à -6db à 350 Hz
médium +4 à +6db à 2 kHz
aigu +3db à 5 kHz
Page publiée le : 22/02/2021
Dernière modification : 07/02/2023
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